Visite de bons procédés - Phaéton

Le roi lunaire avait occasionnellement le droit de la quitter. Captif au sein de son propre palais, de sa propre planète, on avait connu destin plus glorieux. Outre ses obligations royales, ses escapades au temple de leur Père à tous faisaient partie de ces quelques moments où Endymion pouvaient ressentir un semblant de liberté. Oublier sa honte.
Une journée fraiche, comme souvent sur la lune, tandis qu'il montait les marches du lieu sacré, les pans de sa longue toge blanche glissant délicatement sur celles-ci. Il salua les prêtres d'un signe de tête révérencieux, et ces derniers s'inclinèrent en retour. Le Sélénite pénétra entre les colonnes silencieusement, la tête haute. Aussi humilié avait-il pu être par le fils d'Helios, il demeurait roi.
Un roi qui avait des comptes à rendre à son Dieu.
L'endroit était si vaste qu'une voix un tant soit peu élevée aurait résonné maintes et maintes fois contre les parois blanches. Blanc. Sur le sol, les murs, les sculptures, comme bien des choses sur la Lune. Pour un héliote, cela aurait paru bien sobre, mais, sur cette planète, il s'agissait du summum de la délicatesse. C'était là un décor commun, à ses yeux. Appréciable, qui plus est. D'un bref coup d'œil à l'orée de son champ de vision, il avait remarqué que les prêtres s'étaient éclipsés, et, quand il arriva dans la salle où trônait la plus somptueuses des sculptures de Séléné, le roi se retrouva seul. La plupart des citoyens, et plus encore les prêtres, tenaient un respect très profond envers son contact avec leur dieu. Comme si leurs entrevues étaient précieuses. Mais peut-être était-ce tout simplement parce qu'il était l'aimé de Séléné et qu'ils considéraient, par conséquent, leur devoir un peu d'intimité.
Si bien que c'est pour cela qu'Endymion haussa un fin sourcil surprit, lorsqu'il entendit les pas d'un servant qui vint le rejoindre. On ne le dérangeait pas quand il venait prier généralement. Le roi se redressa, et écouta les murmures de l'autre homme contre son oreille.

Oh.
L'Empereur était ici, sur la Lune.
Et lui et ses hommes étaient en marche vers le Temple.

Ils auraient pu au moins s'annoncer. Il aurait pu au moins s'annoncer.
Par les étoiles, cet Héliote ne faisait décidément rien comme les convenances le demandaient.

Endymion l'attendrait patiemment en ces lieux.
Le roi l'attendait de pied ferme.

Avec ses lourdes parures, ses riches vêtements, ses larges manches, l'Empereur devait assurément avoir froid. Chose prévisible pour un héliote venant passer quelques temps sur la Lune. Endymion joignit les mains dans son dos, le menton haut, noble et soupira :
« Bonjour, Phaéton. »
Au moins, lui, commençait-il par des salutations communes, ce que l'autre dirigeant semblait oublier. A moins que l'envie de lui rappeler qu'il ne pouvait plus voir son fils autant qu'il le désirait était si plaisante aux yeux de l'héliote qu'il en oubliait les règles d'usage de politesse. Politesse qui poussa Endymion à le saluer d'un léger signe de la tête : « Je vous remercie de ces nouvelles et ... je me plairais à sortir de mon palais plus régulièrement si je ne devais pas demander l'autorisation à votre autorité pour se faire. » Il ferma les yeux, étouffant un nouveau soupir. Il valait mieux se concentrer sur la suite.

La raison de sa venue ici ? Il pourrait être question de bien des choses. Il ferma les yeux, restant silencieux quelques longues secondes. Outre des raisons administratives, il y avait eu cette histoire, récemment. Oh, il n'avait pas eu de précision à ce sujet. Des évènements auraient eu lieu loin, bien loin de la Lune, sur Mercure. A la capitale peut-être ? Il rouvrit les paupières : « Sûrement pas pour jouer aux devinettes, quand bien même vous êtes une personne joueuse. C'est en rapport avec l'agitation sur Apollô ? »

L'Empereur était doué pour celles-ci. Il n'hésitait pas à en user et en abuser éhontément. Endymion clos ses paupières, comme essayant de faire le vide dans son esprit. Il était normal, d'une certaine manière, que le souverain héliote vienne à le soupçonner d'un quelconque soutien envers un mouvement de rébellion. Et, si en effet, le Sélénite aurait aimé prouver l'existence d'un tel groupe, et le soutenir, dans les faits, et par sécurité, à la fois pour lui mais aussi et surtout pour son peuple, l'homme ne pouvait s'y résoudre.

« ...De sélénites vous dites ? J'imagine que vous avez des preuves de ce que vous avancez. » dans un fin froncement de sourcils. Et il détourna la tête « Je doute que vous ayez beaucoup d'estime envers ma personne mais, me prenez-vous réellement pour un imbécile ? » Une pointe de colère se laissant poindre dans sa voix, plus grave, plus sombre, avant de rouvrir les yeux, plantant son regard clair sur l'Empereur, tranchant. « Je ne répondrai point aux faits dont vous m'accusez. Je n'ai rien à gagner à ce qu'une nouvelle guerre se déclenche. »

Ainsi Phaéton venait l'accuser, en plus de l'humilier, au sein même de la maison de Séléné. Un comportement qui déclenchait la colère du roi, bien que celui-ci sût parfaitement bien se contrôler. Il était peut-être souverain vaincu, il n'en demeurait pas moins roi, et l'irrespect de l'héliote lui fit serrer la mâchoire.

« Je ferai en sorte de mener une enquête de mon côté pour punir les coupables d'un tel acte. » fit-il en liant noblement ses mains dans son dos.

« Ce sera tout ? » Le roi ne cachait pas le dérangement que provoquait Phaéton. Si ce dernier désirait continuer à l'humilier en son propre royaume, Endymion préférait écourter leur rencontre.